Ce n’est pas rien, soixante-dix ans de papauté et cinq siècles de terres papales. Cela laisse des traces ! Au temps des papes et après leur départ, Avignon était une ville brillante, riche, joyeuse où les fêtes, les processions, les entrées solennelles se succédaient tout au moins jusqu’à l’horrible épidémie de la peste début XVIIIe et l’annexion en 1791.

La ville attirait des artistes, des artisans d’art, de brillants architectes : de nombreux hôtels particuliers (objets de notre journée) se construisirent autour du Palais des papes du XVII et XVIII e siècle.

Hôtel Galéans des Issarts

Accueillis par Monsieur Bernard Geneau, notre visite commence par le plus prestigieux d’entre tous. Il est doté d’une façade à l’italienne dont l’escalier à double volée donne dans un vaste jardin restauré avec goût tout comme l’intérieur orné de trois splendides plafonds peints (XVIIIe). On attribue ces œuvres (scènes mythologiques) à Pierre II Mignard, architecte et peintre qui aurait laissé ses initiales dans un cartouche.

Insolite : la chapelle actuellement transformée en cuisine ! Ite missa est !

Au sous-sol, un somptueux passage pour les calèches (il relie le jardin à la rue située à l’arrière de l’hôtel) avec plafond à la française et spacieux escalier de pierre à vis du XIVe.

L’orangerie de l’hôtel Galéans des Issarts

Reliée autrefois à l’hôtel Galéans des Issarts par un pont enjambant la rue arrière, cette orangerie est à la fois une incroyable surprise et un réel coup de cœur ! Aujourd’hui transformée en habitation (1802) où Madame Frémy sa propriétaire nous reçoit très aimablement. Le bâtiment (1769) a gardé toutes les spécificités d’une spacieuse orangerie : façade nord aveugle ; sud, largement ouverte avec portes rehaussées. Peu d’archives subsistent de cette dépendance qui aujourd’hui encore donne sur un vaste jardin arboré de vieux sujets avec bassin et fort belle fontaine de pierre.

Un bucolique havre de paix à quelques enjambées du Palais de papes !

Hôtel Forbin de la Barben

Édifié sur les plans de Jean-Baptiste Franque en 1724 cet hôtel particulier ayant appartenu aux descendants de la branche des Galéans des Issarts fut acheté en 1956 par Marcel Puech qui l’enrichira de somptueuses collections et lui rendra sa splendeur d’antan. Cet amateur d’art, également antiquaire en fit don à l’Institut Calvet, fondation créée il y a deux siècles, fruit de la volonté d’Esprit Calvet (1728-1810), médecin avignonnais, grand collectionneur et physiocrate qui consacra toute sa vie à la médecine et aux arts. Cet institut possède six musées et deux bibliothèques de livres anciens. Bernard Gamel-Cazalis, vice-président de l’institut nous entraine dans l’histoire de cette institution, de ses nombreux donateurs (plus de 4 000) puis nous fait découvrir les vastes pièces (malheureusement démeublées) de l’hôtel, jusque sur le toit !

Hôtel Berton de Balbes de Crillon

Antoine de Nadaillac, qui vient de recevoir en héritage de son oncle le comte de Grammont cet hôtel, nous décrit avec une certaine délectation la façade d’inspiration italienne réalisée par Jean-André Borde en dix mois seulement, nous dit-on. Assurément l’une des plus belles d’Avignon, ouverte, avenante avec bas-reliefs, rinceaux, figures, mascarons et médaillons de style maniériste, récemment et admirablement restaurée. Mais la rue est étroite et nous avons bien peu de recul pour la contempler !

A l’intérieur de cet hôtel construit en 1648, un bel escalier à rampes droites et double volée ornées de boules de cuivre aussi étonnantes qu’énormes qui seraient un signe distinctif de l’aristocratie à Avignon. Les restants d’une fresque en trompe-l’œil représentent un arc de triomphe au-dessus d’une des portes du palier. Aujourd’hui immeuble de rapport, les appartements de l’hôtel ne se visitent pas.

Au rez-de-chaussée deux restauratrices d’art nous ouvrent leurs ateliers de restauration. Hélène Langlais, redonne au bois doré une nouvelle jeunesse. Pas moins de dix étapes sont nécessaires avant d’appliquer les fragiles feuilles d’or.

Camille Motte, issue de l’Ecole de restauration d’Avignon travaille les peintures sous toutes leurs formes.

Que de gestes minutieux et respectueux pour restituer et transmettre ces œuvres !

Hôtel Fortia de Montréal

Nicole Cabassu, propriétaire de cet hôtel, vient de publier « Avignon insolite et secrète » (éditions Jonglez), un guide aussi documenté qu’illustré nous entrainant dans les coins les plus secrets (souvent amusants) de l’histoire et de la cité des papes. Passionnant !

On y retrouve l’évocation de la série des 18 panneaux réalisés par Nicolas Mignard pour cet hôtel de Fortia, représentant les amours de Théagène et Chariclée d’après Héliodore.

Malheureusement tous disparus aujourd’hui !

Les plans de l’hôtel Fortia de Montréal sont dus à l’architecte avignonnais, François de Royers de La Valfenière auquel l’on doit également l’hôtel de Simiane à Valréas (où habitait Pauline de Grignan, la petite-fille de Madame de Sévigné).

Hôtel de Salvador

Cet hôtel, terminé en 1713, est conçu suivant un plan en U de Jean-Baptiste Franque. Actuellement redistribué en appartements, nous en verrons la magnifique cage d’escalier dont la rampe en ferronnerie est le travail remarquable du serrurier d’Avignon, Charles Giraud et de G. Poussin de Saint-Rémy de Provence (1711).

Tout à fait exceptionnellement nous sommes reçus par Jaccopo Paquali, d’origine florentine, qui a transporté -il y a dix ans- ses pénates et ses collections d’art au rez-de-chaussée de cet hôtel. Poupées japonaises, santibelli, moustiers, tableaux, sculptures et bien d’autres curiosités hétéroclites se découvrent dans la pénombre de cet appartement insolite.

Ancien collège Saint-Nicolas d’Annecy

Plusieurs hôtels ou restaurants sont installés dans des hôtels particuliers ou des bâtiments conventuels à Avignon. Le restaurant le Bibendum en est l’élégante et surprenante illustration. Extérieurement, il joue la discrétion ; intérieurement les bâtiments sont constitués de galeries voutées conçues par Pierre Mignard bordant un jardin intérieur. Ilot de quiétude dans l’océan grouillant du centre-ville. « Fondé sous le pontificat d’Urbain V ce couvent ne survit pas à la papauté, il s’en suivit la création d’une École de théologie et de droit exclusivement destinée à l’élite de la jeunesse de Haute-Savoie en vertu du testament du Cardinal de Brogny, éminent juriconsulte originaire d’Annecy ». Les bâtiments vendus comme biens nationaux après la Révolution, appartiennent actuellement à la Fondation Calvet. Décor aussi respectueux qu’original et d’une facture contemporaine.

Merci à Bertrand Liger, délégué du Vaucluse, pour l’organisation de cette formidable journée et à nos hôtes si accueillants qui ont ouvert leur résidence deux jours de suite permettant ainsi à 62 adhérents de découvrir ces splendides et secrètes demeures avignonnaises.

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